Montage d’un réseau pour la collecte de cadavres et la réalisation d’autopsies, exemple de la Bretagne

Franck Simonnet, Xavier Grémillet et Ludovic Fleury (GMB)

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Le Groupe Mammalogique Breton (GMB) a mis en place un réseau de collecte des cadavres de loutres en Bretagne, dans le but d’obtenir des données concernant les causes de mortalité et de mettre à disposition des chercheurs du matériel biologique (prélèvements de tissus, phanères, os…).

Collecte

Des actions de sensibilisation et d’information concernant la Loutre d’Europe étant menées depuis une trentaine d’années dans la région, le réseau d’acteurs de la gestion et de la protection de la nature (naturalistes, gestionnaires de milieux naturels, techniciens environnement, etc.) est conscient de l’intérêt d’informer de la découverte d’un cadavre de Loutre et le GMB est identifié comme structure référente collectant les cadavres. Il est ainsi le plus souvent informé directement des découvertes. Cinq membres de l’association disposent de l’autorisation ministérielle nécessaire au transport et au stockage des animaux. Un rapport annuel des collectes effectuées est produit pour l’administration dans le cadre de cette autorisation.

L’ONCFS apporte un concours important dans cette collecte, ainsi que dans le stockage. Enfin, d’autres acteurs peuvent prendre part à la collecte dans le cadre de leurs missions : services d’entretien des voiries (Départements et DIR Ouest), vétérinaires, fédérations des chasseurs, ONF. De 2006 à 2015, ce sont ainsi 113 cadavres de loutres qui ont été collectés, soit près des deux tiers des cadavres signalés (178).

Données sur la mortalité de la Loutre en Bretagne

Autopsies

Le GMB a bénéficié en 2007 d’une formation à la réalisation d’autopsies de loutres de la part des vétérinaires Hélène Jacques, Christine Fournier-Chambrillon, Pascal Fournier et Guy Joncour. Depuis lors, environ une séance d’autopsies est organisée par an. Ces séances sont toujours pratiquées en présence d’un vétérinaire, de préférence ayant des compétences sur la faune sauvage. Elles ont lieu dans les laboratoires départementaux d’analyses (ou les structures les ayant remplacées), dans des cliniques vétérinaires ou dans la salle d’autopsies du centre Océanopolis à Brest. Le protocole du niveau 2 du PNA Loutre est appliqué. Une série de prélèvements est donc effectuée (foie, rein, uterus, os péniens, mâchoires inférieures…) et stocké pour utilisation ultérieure. Un bref compte-rendu d’autopsie est envoyé aux découvreurs des cadavres. Les cadavres de 139 loutres ont ainsi été autopsiés (en comptabilisant les cadavres disponibles antérieurement à 2007).

Valorisation

Le but premier des autopsies est d’établir ou de confirmer la cause de la mort de l’animal.

Ces résultats soulignent, outre l’importance des routes dans la mortalité due à l’Homme, la persistance d’actes de destruction, le plus souvent volontaire, de loutres, à un niveau qui reste impossible à évaluer mais que ne semble pas, pour l’heure, remettre en cause la pérennité des populations. Les cas de prédation par les chiens ne sont pas non plus à négliger.

Par ailleurs, les diverses mesures effectuées sur les animaux permettent d’évaluer les mensurations de la population bretonne et de calculer un indice de condition physique (Kuhn et Jacques, 2011) permettant d’évaluer la condition de chaque animal (mauvaise si l’indice est inférieur à 1, bonne dans le cas contraire).

NB : ne sont pris en compte ici que les adultes. Par ailleurs, pour le poids et l’indice de condition physique, ne sont pris en compte que les individus victimes de collisions routières (mort traumatique brusque). Les médianes concernant l’indice de condition physique sont respectivement de 1,03 et 1,05 pour les femelles et les mâles.

En comparaison avec les données disponibles en France (Kuhn et Jacques, 2011), la longueur et le poids moyens observés en Bretagne sont inférieurs, à l’exception du poids des mâles. Des données comparatives concernant l’indice de condition physique des différentes régions, ainsi qu’un suivi de cet indice dans le temps pourraient apporter des informations intéressantes.

L’exploitation possible des prélèvements effectués lors des autopsies peut être illustrée par les quelques exemples suivants. Les foies de 21 individus ont fait l’objet d’une recherche d’anticoagulants par le GREGE, permettant de repérer une contamination à la bromadiolone sur 7 d’entre eux, soit un tiers ! Par ailleurs, les vésicules biliaires de 22 individus ont été fournies dans le cadre d’une thèse sur les parasites des voies biliaires. La présence d’un plathelminthe lié aux cyprinidés, Metorchis albidus, a ainsi été repérée chez 4 individus dans le sud-est de la région (Sherrard-Smith et al., 2016). Enfin, 136 échantillons de tissus ont été transmis pour une étude sur la génétique des loutres en France (Pigneur et al., 2015)

Le GMB tient à remercier toutes les personnes et tous les organismes concourant à la collecte des cadavres, en particulier l’ONCFS et ses agents, ainsi que les vétérinaires apportant leur appui bénévole à l’autopsie des loutres, Ludovic Fleury, Frédéric Touzalin, Sylvain Larrat et Céline Blanc

Références
Kuhn R. & Jacques H. 2011. Encyclopédie des carnivores de France – Fascicule n°8 - La Loutre (Lutra lutra, Linneaus, 1758). Société Française pour l’Etude et la Protection de Mammifères, 72 p.
Pigneur L.M., Caublot G., Fournier-Chambrillon C., Fournier P., Girralda-Carrera G., Grémillet X., Marc D., Simonnet F., Sourp E., Steinmetz J., Urra-Maya F. & Michaux J. 2015. Génétique de la conservation de la Loutre d’Europe en France. 37e colloque francophone de mammalogie. Les Mammifères sauvages – Recolonisation et réémergence. Revue Scientifique Bourgogne Nature, 21/22 : 175-180.
Sherrard-Smith E., Stanton D.W.G., Cable J., Orozco-Terwengel P., Simpson V.R., Elmeros M., Van Dijk J., Simonnet F., Roos A., Lemarchand C., Polednik L., Heneberg P., Chadwick E.A. 2016. Distribution and molecular phylogeny of biliary trematodes (Opisthorchiidae) infecting native Lutra Lutra and alien Neovison vison across Europe. Parasitology International, 65 : 163-170.

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