Biologie

Qu’il s’agisse des populations végétales ou animales adaptées au milieu aquatique, les organismes se répartissent toujours en fonction de leurs exigences vis-à-vis du milieu physique (eau et substrat) et de leurs besoins énergétiques et alimentaires. Leurs associations, en équilibre dans les conditions normales, constituent donc une image synthétique du fonctionnement global de l’écosystème aquatique et permettent de traduire les effets des pollutions, ponctuelles ou chroniques, sur ce dernier.

Un certain nombre de méthodes basées sur la recherche d’organismes ou d’un ensemble d’organismes susceptibles de réagir de façon plus ou moins sélective aux perturbations du milieu, appelés « bio-indicateurs », sont actuellement normalisées (AFNOR) et utilisées en routine dans le cadre des suivis réalisés sur les cours d’eau ou les plans d’eau. Elles conduisent généralement à l’établissement d’une note indicielle, assortie d’un code couleur à 5 classes permettant de comparer rapidement plusieurs secteurs ou plusieurs indices entre eux lorsqu’ils sont pertinents.

C’est ainsi que l’on peut citer pour les cours d’eau :

Parmi les végétaux

Indice Biologique Diatomées (IBD – norme NF T90‑354) : il est basé sur l’observation des populations de diatomées ou algues brunes qui sont des végétaux microscopiques et unicellulaires également appelées Bacillariophycées. Leur taille peut varier de quelques µm à plus de 500µm, elles peuvent être solitaires ou former des colonies. Présentes depuis le Jurassique, elles colonisent des milieux très différents allant des cours d’eau (eaux douces, salées et saumâtres, courantes et stagnantes) à l’air (via les aérosols) ou les sols (parois humides). Leur diversité floristique, leur large distribution géographique, leur cycle de reproduction très court et leur fort pouvoir intégrateur de la pollution, en font un bio‑indicateur particulièrement adapté.

La particularité des diatomées réside dans leur paroi siliceuse rigide, appelée frustule. Ce dernier est divisé en deux valves emboîtées telles le fond et le couvercle des boîtes de pétri. Ces valves sont essentielles à l’établissement des listes floristiques car leur forme et leurs ornementations (pores, excroissances, épine…), observables au microscope, permettent une détermination à l’espèce des taxons rencontrés.

Le calcul de l’IBD se base sur la composition floristique d’une station donnée et sur la sensibilité des espèces vis-à-vis des paramètres classiques d’anthropisation (eutrophisation, saprobie) et non sur la sensibilité des espèces vis-à-vis des pollutions toxiques. Pour évaluer l’impact de polluants toxiques, d’autres paramètres peuvent être utilisés, tels que le taux de diatomées tératogènes ou leur taux de mortalité.

Indice Biologique Macrophytique en Rivière (IBMR – norme NF T90‑395) : il prend en compte l’ensemble des végétaux visibles à l’œil nu, algues, bryophytes (mousses), hydrophytes (végétaux supérieurs)… en tenant compte de leur taux de recouvrement respectif. S’agissant d’organismes nécessitant la présence de lumière, la méthode ne s’applique pas sur des cours d’eau trop profonds ou naturellement dépourvus de végétation aquatique comme sur certains substrats géologiques ou dans le cas d’une végétation rivulaire trop importante. L’indice obtenu traduit préférentiellement le degré trophique de la rivière, c’est-à-dire la charge globale en azote et phosphore qui constituent les véritables facteurs limitants de leur développement. La note d’indice est calculée sur 20 en fonction du niveau trophique de l’eau : 5 classes ont été définies, allant d’oligotrophe (note d’IBMR>14) à eutrophe (note<8). Ce suivi est pratiqué dans le cadre des réseaux de surveillance.

Parmi les animaux

Indice invertébrés multimétrique (normes NF T90-333 et NF T90‑388) : il analyse les populations d’invertébrés aquatiques qui vivent en majorité à l’interface entre l’eau et le fond de la rivière. Le groupe est constitué de larves et d’adultes d’insectes, de mollusques, de petits crustacés … qui occupent tous les compartiments de l’écosystème aquatique. Leur taille suffisante (ils sont visibles à l’œil nu), leurs régimes alimentaires variés, leur sensibilité aux perturbations du milieu, tant chimiques que physiques, et leur cycle de vie relativement long en font de très bons indicateurs de la qualité des cours d’eau intégrant les événements récents, mais aussi tous ceux qui sont intervenus durant leur existence.

La méthode est basée sur la recherche de taxons sensibles à la pollution et l’analyse de la diversité de la population et permet d’évaluer à la fois la qualité de l’eau et celle du substrat. Le calcul de l’IBGN a été remplacé depuis 2018 par le calcul de l’I2M2 (indice invertébrés multi‑métriques), indice de calcul adapté à la DCE et permettant d’appréhender de façon optimale les pressions sur le milieu.

Indice Poissons Rivière (IPR – norme NF T90‑344) : développé par l’OFB, il prend en compte l’ensemble des peuplements piscicoles présents sur le site d’étude et est basé sur la comparaison de la population d’une station donnée à la population théorique d’une station de même type située dans des conditions naturelles ou très faiblement impactée par les activités humaines. Il prend donc en compte des données environnementales telles que la distance à la source, la pente, l’altitude, des données thermiques… et des données biologiques telles que le nombre total d’espèces, leur régime alimentaire, leur sensibilité au régime du cours d’eau (vitesse, turbulence…).

Le poisson, organisme intégrateur par excellence puisqu’il se situe en bout de la chaîne alimentaire, apparaît donc comme un très bon indicateur de l’ensemble des perturbations du milieu.

Indice Oligochètes de Bio-indication des Sédiments (IOBS – norme NF T90‑390) : il permet d’évaluer la qualité biologique des sédiments fins ou sableux, permanents et stables vis à vis de leur contamination par les micropolluants organiques et minéraux, par l’intermédiaire des communautés de macroinvertébrés aquatiques généralement peu mobiles et inféodés à ce milieu, les oligochètes (vers annelés comparables aux vers de terre).

Toutefois, la méthode ne s’applique pas dans un certain nombre de cas, par exemple sur des secteurs présentant une mobilité importante des sédiments, selon la nature même des sédiments selon qu’ils présentent une dominante minérale (sables grossiers) ou organique (type tourbe) trop importante ou encore que les échanges avec l’eau soient limités par la présence de films biologiques (bactéries, algues…) ou de végétaux supérieurs importants.

Cet indice a été décliné récemment pour les zones profondes (plus de 5 mètres) : l’Indice Oligochètes de Bioindication Lacustre (IOBL – norme NF T90‑391).

Pour les plans d’eau, les méthodes sont spécifiques au fonctionnement particulier du milieu.

Parmi les végétaux

Phytobenthos (diatomées) : des recherches sont initiées depuis 2010 par l’INRAE pour proposer pour la France métropolitaine un cadre commun pour l’échantillonnage des diatomées en plans d’eau, les diatomées constituant l’une des composantes majeures du phytobenthos D.
Cette méthode vise à fournir des données adaptées à l’évaluation de l’état écologique des plans d’eau dans le cadre de la mise en œuvre de la DCE. Elle s’applique aux plans d’eau douce naturels ou d’origine anthropique faiblement marnants, c’est-à-dire dont l’amplitude maximale du marnage annuel est de l’ordre de 2 m. L’indice est en cours de finalisation pour une utilisation courant 2021.

Indice biologique macrophytique en lacs (IBML – norme XP T90-328) : développé par l’INRAE, cet indice est calculable depuis 2018 à partir des données acquises à l’aide de la norme. Ce protocole est applicable aux plans d’eau dont le marnage annuel n’excède pas 2 m.
La norme française est actuellement (depuis mars 2020) en révision pour une version homologuée, c’est à dire publiée dans les série NF. La norme est accompagnée d’un guide d’application publié en 2017 (série AFNOR GA).

Indice Phytoplancton Lacustre (IPLAC – XP T90-719) : développé par l’INRAE, cet indice s’applique à tous les types de plans d’eau de la métropole, d’origine naturelle ou artificielle. Il s’appuie sur 2 métriques : l’une basée sur les teneurs en chlorophylle a (MBA) et l’autre sur la composition spécifique des échantillons (MCS).

Parmi les animaux

Invertébrés : des recherches sont initiées depuis 2017 par l’université de Franche-Comté pour développer une méthode et un indice invertébrés spécifique au plan d’eau (Indice macro-invertébrés lacustres IML), répondant aux pressions hydromorphologiques qui s’exercent sur ces milieux particuliers. Un protocole test de prélèvements est appliqué depuis 2017 sur un réseau national d’environ 60 plans d’eau. Cet indice sera utilisé dès 2021.

Indice Ichtyofaune Lacustre (IIL ; indice spécifique aux lacs naturels – NF EN 14757) : indice multimétrique poisson, développé par l’INRAE/OFB, dédié à l’évaluation de l’état écologique des lacs naturels français. Il est accompagné d’un guide méthodologique intitulé « Principes et méthodes de calcul de l’indice ichtyofaune lacustre, IIL. janvier 2018 (auteurs : Logez M., Maire A. et Argillier C.) », avec le protocole d’échantillonnage des poissons à l’aide de filets maillants NF EN 14757 (2005).

Indice Ichtyofaune pour les Retenues (IIR : indice spécifique aux lacs artificiels – ) : développé par l’INRAE, cet indice multimétrique poisson permet d’évaluer le potentiel écologique des retenues françaises correspondant aux types A2 à A12. Le protocole d’échantillonnage des poissons à l’aide de filets maillants NF EN 14757 (2005).

Si l’utilisation de méthodes indicielles synthétiques présente de nombreux avantages, notamment en terme de visualisation rapide de l’état de santé d’un écosystème aquatique ou du rendu des résultats, le fait qu’il s’agisse justement d’une analyse synthétique peut conduire à des résultats similaires pour des perturbations parfois très différentes.
De plus, les capacités d’adaptation des organismes vivants ou les réactions du milieu physique à une perturbation peuvent conduire à des résultats par excès ou par défaut.
L’exploitation fine d’un indice donné passe obligatoirement par une analyse complète des composantes de base qui ont servi à son calcul : liste floristique ou faunistique, densités relatives, indice(s) intermédiaire(s)… Elles doivent également être couplées avec les données environnementales liées au prélèvement et si possible avec d’autres composantes du milieu : analyses physico-chimiques de l’eau, autre(s) indice(s) biologique(s)…

À côté de ces méthodes normalisées, d’autres systèmes d’évaluation de la qualité biologique des écosystèmes aquatiques sont en cours de définition, par exemple l’indice oiseaux mettant en scène la faune avicole inféodée aux zones humides, ou encore les développements liés à la mise en place de la Directive Cadre sur l’Eau, notamment pour la définition de ce que doit être le bon état écologique, principe de base de cette directive.

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