Continuité écologique des cours d’eau



La directive cadre européenne (DCE), la loi sur l’eau de décembre 2000, le plan national de gestion pour l’anguille et la loi Grenelle 1 du 3 août 2009 avec son objectif de mise en place d’une « trame verte et bleue », convergent vers la nécessité d’assurer la continuité biologique entre les grands ensembles naturels et dans les milieux aquatiques. Concrètement, ces textes réglementaires nous conduisent collectivement à augmenter les efforts et à démultiplier les actions en faveur de la restauration de la continuité écologique des cours d’eau.

1. Pourquoi faut-il assurer la continuité écologique ?

Qu’est ce que la continuité écologique ?

La continuité écologique d’un cours d’eau est définie comme :

  • la libre circulation des organismes vivants et leur accès aux zones indispensables à leur reproduction, leur croissance, leur alimentation ou leur abri ;
  • le bon déroulement du transport naturel des sédiments.

On parle ainsi de continuité piscicole et de continuité sédimentaire.

Elle a une dimension amont-aval, impactée par les ouvrages transversaux comme les seuils et barrages, et une dimension latérale, impactée par les ouvrages longitudinaux comme les digues et les protections de berges.

Assurer la circulation des poissons migrateurs s’entend, d’une manière générale dans les deux sens, à la montaison(*) et à la dévalaison(*), ce qui est particulièrement essentiel pour les grands migrateurs.

Quels sont les impacts des ouvrages ?

En France, la fragmentation des cours d’eau par environ 60 000 ouvrages (barrages, écluses, seuils, moulins) est une source d’érosion de la biodiversité et affecte les capacités d’adaptation des espèces dans un contexte de changement climatique. Ce défaut de continuité écologique est un facteur déterminant dans le risque de dégradation de l’état ou de non atteinte du bon état écologique pour de nombreuses masses d’eau. Les obstacles en travers des cours d’eau peuvent :

  • perturber le déplacement des espèces migratrices (saumon, truite, anguille, alose…) et ainsi l’accomplissement de leur cycle de vie ;
  • entraver les flux de sédiments, indispensables à la reproduction de certaines espèces ;
  • submerger des frayères en amont ;
  • modifier les écoulements d’eau et les processus physico-chimiques tels que l’auto-épuration ;
  • entraîner des mortalités lors du passage des poissons dans les turbines d’ouvrages hydroélectriques.

Quelles sont les solutions ?

Les différents types d’aménagements pouvant concerner les ouvrages faisant obstacle à la continuité écologique sont :

  • l’effacement : lorsqu’elle est possible, la suppression de l’obstacle est la solution la plus efficace pour retrouver une continuité écologique complète. Il est parfois nécessaire d’accompagner la suppression des ouvrages d’aménagements complémentaires (échancrure dans les radiers existants, aménagements de mini-seuils, banquettes latérales….) ;
  • l’arasement partiel : cette solution est utilisée lorsqu’il est nécessaire de maintenir une certaine ligne d’eau a l’amont des ouvrages, par exemple pour un pompage d’eau potable ou le maintien d’un écoulement dans un ancien bief. Dans ce cas, un mini-seuil franchissable par les poissons peut être créé ;
  • la passe à poissons : dans les cas ou le maintien de l’ouvrage s’impose, des passes a poissons peuvent être envisagées. Les passes en génie civil ciblent en général une ou plusieurs espèces (ex : brosse à anguilles, passe à ralentisseurs, passe à bassins…). Elles doivent être fonctionnelles le plus longtemps possible dans l’année. Leur mode d’alimentation est donc un élément essentiel de leur efficacité. En revanche, elles ne permettent pas de traiter le problème du transit sédimentaire ;
  • la rivière de contournement : il s’agit d’une passe à poissons qui se présente sous la forme d’un cours d’eau artificiel qui contourne le seuil. Bien conçue, son efficacité est supérieure aux passes à poissons en génie civil ;
  • la mesure de gestion : des mesures de gestion hivernale (ouvertures de vannes ou abaissements de clapets) peuvent être prévues. Elles favorisent le transit des sédiments, la suppression des zones envasées a l’amont des ouvrages, et une limitation des embâcles et des risques d’inondations.

La dévalaison des poissons migrateurs peut être facilitée par des aménagements techniques (turbine spécifique, by-pass, goulotte, barrière physique empêchant l’accès aux turbines,…) ou des mesures de gestion en période migratoire (arrêt du turbinage, ouverture des vannes…).

Dans tous les cas, les aménagements envisagés doivent être adaptés aux contraintes du site, aux usages, et aux espèces de poissons ciblées.

Si la suppression de tous les obstacles ne constitue pas l’objectif de cette démarche, la réduction significative du taux d’étagement, qui est un indicateur de l’impact cumulé des ouvrages sur un axe donné, devra toutefois être visée. Le taux d’étagement, qui correspond au rapport entre le cumul des hauteurs d’ouvrages et la dénivellation naturelle totale, est en effet une notion qui traduit la densité et l’importance en hauteur des ouvrages sur tout ou partie d’un cours d’eau.

2. Les obligations réglementaires

Pourquoi une révision des classements ?

Depuis plus d’un siècle, des rivières et canaux sont classés pour bénéficier de mesures de protection particulières. Ces classements de cours d’eau sont des outils réglementaires établis afin de limiter l’impact des ouvrages (barrages, écluses, seuils, moulins) présents sur les rivières françaises.

Aujourd’hui, face à une situation environnementale de plus en plus préoccupante, une révision de ces classements s’avère nécessaire car elle va favoriser la préservation des secteurs à enjeux environnementaux ainsi que le rétablissement de la dynamique des cours d’eau et de la continuité écologique. Cette révision devrait ainsi permettre la préservation de la biodiversité dans son ensemble : végétaux et invertébrés aquatiques, poissons…

Afin d’atteindre ces objectifs de bon état écologique, la loi sur l’eau et les milieux
aquatiques de 2006 (LEMA) a réaffirmé la nécessité de restaurer les continuités écologiques en prévoyant la révision des classements.

Cette révision concerne de nombreux exploitants ou propriétaires d’ouvrage et s’appuie sur les acquis des lois et réglementations précédentes. Elle s’adapte au nouveau contexte et doit permettre de rendre aux cours d’eau leur richesse et leur dynamique.

Que sont les nouveaux classements ?

Les nouveaux classements introduits par l’article 6 de la LEMA et déclinés dans l’article L. 214-17 du Code de l’environnement et sa partie réglementaire, permettent d’adapter les précédents dispositifs au nouveau contexte. Ils présentent deux listes de cours d’eau :

ListeObjectifConséquence
1 Préserver des cours d’eau ou tronçons de cours d’eau
- en très bon état écologique
- « réservoirs biologiques », dotés d’une riche biodiversité jouant le rôle de pépinière
- nécessitant une protection complète des poissons migrateurs amphihalins.
Interdiction de construire tout nouvel obstacle à la continuité écologique, quel que soit l’usage.
2 Restaurer des cours d’eau pour lesquels il est nécessaire d’assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs. Obligation de mise en conformité des ouvrages au plus tard dans les 5 ans après publication de la liste.

Les nouveaux classements entrent en vigueur dès la publication des listes par arrêté du préfet de bassin. Les anciens classements deviennent caducs dès cette publication et, à défaut, le 1er janvier 2014.

3. Les ouvrages concernés

Les ouvrages constituant un obstacle à la continuité écologique des cours d’eau sont définis à l’article R214-109 du Code de l’environnement, à savoir :
Constitue un obstacle à la continuité écologique, au sens du 1° du I de l’article L214-17 et de l’article R214-1, l’ouvrage entrant dans l’un des cas suivants :

  1. - Il ne permet pas la libre circulation des espèces biologiques, notamment parce qu’il perturbe significativement leur accès aux zones indispensables à leur reproduction, leur croissance, leur alimentation ou leur abri ;
  2. - Il empêche le bon déroulement du transport naturel des sédiments ;
  3. - Il interrompt les connexions latérales avec les réservoirs biologiques ;
  4. - Il affecte substantiellement l’hydrologie des réservoirs biologiques.

Ainsi sont concernés les barrages, les seuils et tous les ouvrages induisant des perturbations et des impacts à la continuité écologique.

Afin de mieux connaître les seuils et les barrages qui fragmentent les rivières, l’O.N.E.M.A. (Office national de l’Eau et des Milieux Aquatiques) a mis en place un référentiel des obstacles à l’écoulement (ROE). Le ROE a pour objectif de répertorier l’ensemble des ouvrages déjà identifiés sur le territoire national sous la forme d’une banque de données contenant des informations restreintes (Code national unique, localisation, caractéristiques) mais essentielles et communes pour l’ensemble des acteurs de l’eau et de l’aménagement du territoire. Cette base de données n’est toutefois pas exhaustive et des ouvrages non référencés dans le ROE sont aussi soumis à l’application de l’article L214-17 du Code de l’environnement.

L’accès aux informations et données du ROE se fait via la plate-forme de mise à disposition de données sur l’eau et la biodiversité de la direction de l’Eau et de la Biodiversité du ministère.

4. Quelles sont les aides possibles ?

Les collectivités à compétence rivière (communauté de communes, syndicats de rivières,…) sont susceptibles d’assurer la maîtrise d’ouvrage des études et des travaux relatifs à la restauration de la continuité écologique. Les informations sont à recueillir directement auprès de ces structures ou par l’intermédiaire des DDT.

La liste et la cartographie de ces structures sont en cours de finalisation et seront prochainement disponibles sur ce site.

Ces opérations peuvent bénéficier de financements publics de la part de collectivités ou d’établissements publics.

Les informations sur les modalités d’attribution des aides sont disponibles directement auprès du Conseil départemental et l’Agence de l’eau concernés.

Agence de l’eau Adour-Garonne

Agence de l’eau Loire-Bretagne

Fonds européen de développement régional (FEDER) (Nouveau programme opérationnel 2014-2020 en préparation).

5. Références documentaires

Des informations techniques sont disponibles sur les sites internet suivants :
Office national de l’Eau et des Milieux Aquatiques

(*) Montaison : pour un poisson migrateur, action de remonter un cours d’eau afin de rejoindre son lieu de reproduction ou de développement.
(*) Dévalaison : pour un poisson migrateur, action de descendre un cours d’eau pour retourner dans un lieu nécessaire à son développement ou à sa reproduction.

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