PFAS
1 - Éléments généraux
1.1 - Qu’est-ce qu’une substance perfluorée ?
Les per- et polyfluoroalkylées, plus connus sous le nom de PFAS, sont une large famille de plusieurs milliers de composés chimiques aux caractéristiques spécifiques tels que la résistance aux fortes chaleurs, mais également des propriétés antiadhésives et imperméabilisantes, ce qui explique leur utilisation dans de nombreux produits de la vie courante : ustensiles de cuisine, textiles, mousses à incendie, emballages alimentaires, cosmétiques, etc. Extrêmement persistants et dénommés « Polluants éternels », les PFAS sont très peu biodégradables et se retrouvent dans tous les compartiments de l’environnement.
Les sources de PFAS dans les milieux sont multiples : sites industriels en activité, rejets dans les eaux usées domestiques (en raison, par exemple, des textiles ou ustensiles de cuisine contenant des PFAS), aéroports, sites de formation ou d’entraînement des pompiers ou militaires, en raison de l’usage de mousse d’extinction d’incendie contenant des PFAS, ou encore les stations de ski, en raison des produits de fart sur les skis.
Du fait de l’utilisation variée de ces composés chimiques et de leur persistance, tous les milieux peuvent être concernés par des contaminations : l’eau, l’air, les sols, et la chaîne alimentaire.
Toute la population est exposée, à des niveaux variables et la principale source d’exposition est l’alimentation, en particulier :
- La consommation de produits de la mer, de viande, de fruits, d’œufs ;
- La consommation d’eau de boisson.
L’air intérieur et extérieur est aussi une voie d’exposition possible mais moins importante, ainsi que l’ingestion de poussières contaminées.
1.2 - Quelles conséquences pour la santé ?
La littérature scientifique portant sur les PFAS et leurs effets potentiels sur la santé est abondante et elle s’enrichit continuellement. Les effets étudiés sont des maladies ou encore des réactions de l’organisme sans manifestations cliniques associées ou observables. De nombreux organismes de référence ont révisé les données humaines et animales relatives aux PFAS.
Compte tenu des différentes méthodes de synthèse et d’appréciation de la preuve scientifique, le degré de certitude attribué aux divers effets peut varier selon les organismes consultés.
Quatre effets potentiels sur la santé disposent toutefois d’un niveau de preuve jugé suffisant :
- la diminution de la réponse immunitaire à la vaccination,
- la dyslipidémie (anomalie lipidique due à du cholestérol et/ou des triglycérides élevés),
- la baisse du poids de naissance,
- l’augmentation du risque de cancer du rein.
Le 1er décembre 2023, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé le PFOA comme « cancérogène pour les humains » (groupe 1) et le PFOS comme substance « peut-être cancérogène pour les humains » (groupe 2B).
D’autres types d’effets sur la santé sont suspectés comme par exemple : maladies thyroïdiennes, troubles de la reproduction, de la fertilité, mais avec un niveau de preuve scientifique moins élevé, sur la base des connaissances acquises à ce jour.
Sources bibliographiques
- Pascal De Giudici, Sylvaine Ronga. Effets des PFAS sur la santé humaine : état des connaissances. In YearBook Santé et environnement 2023, Environnement, Risques et Santé. Editions John Libbey Eurotext, Arcueil, pp. 59-63 - Julien Michaud-Tétreault, Stéphane Perron et Caroline Huot (2023). Effets potentiels des PFAS sur la santé. Dans Les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS). Institut national de santé publique du Québec (Repéré ici) - Fiches PFAS élaborées par la SFSE. La n°9 présente la toxicité des PFAS - Rapport de l’autorité européenne de sécurités des aliments « Risque pour la santé humaine lié à la présence de substances perfluoroalkyles dans les denrées alimentaires ». |
En Europe
Le PFOS et ses dérivés figurent dans la liste des substances prioritaires de la directive européenne cadre sur l’eau. Ils sont donc intégrés dans le programme de surveillance et de contrôle des masses d’eau à l’échelle de l’Union européenne. Cette surveillance permet de mieux connaître l’état des milieux, d’identifier les causes de leur dégradation, pour orienter et évaluer les actions, avec l’objectif d’améliorer la qualité des eaux (chimique et écologique).
En France
Le 11 mai 2022, en complément de la directive cadre sur l’eau, le ministère de la transition écologique a pris un nouvel arrêté (Communiqué de presse du ministère de la transition écologique) qui doit permettre de renforcer le suivi de l’état des eaux au niveau national et d’évaluer au plus près les niveaux de contamination par des polluants dans les eaux de surface et les eaux souterraines. Il définit précisément la méthode de surveillance. Il impose désormais la surveillance d’une centaine de nouvelles substances chimiques et renforce ainsi la surveillance des PFAS.
1.3 - Un plan d’action ministériel PFAS
En 2022, le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a mené des travaux pour structurer son action au regard des préoccupations grandissantes concernant la présence de PFAS dans l’environnement.
En janvier 2023, ces travaux ont abouti à la définition d’un plan d’action ministériel sur les PFAS dans l’objectif de renforcer la protection des populations et de l’environnement contre les risques liés à ces composés.
Les 6 axes d’action du plan ministériel
- Disposer de normes pour guider l’action publique ;
- Porter au niveau européen une interdiction large pour supprimer les risques liés à l’utilisation ou la mise sur le marché des PFAS ;
- Améliorer la connaissance des rejets, ainsi que l’imprégnation des milieux pour réduire l’exposition des populations ;
- Réduire les émissions des industriels de façon significative ;
- Assurer une transparence complète sur les informations disponibles ;
- Intégrer les actions sur les PFAS dans le plan micropolluants.
Les services de l’État locaux (préfecture de région, préfectures de départements, direction régionale de l’environnement de l’aménagement et du logement, agence régionale de santé, direction régionale de l’alimentaire de l’agriculture et de la forêt, directions départementales de la protection des populations), en lien étroit avec l’administration centrale, sont pleinement mobilisés et coordonnés dans leurs différentes compétences. Leur objectif est d’objectiver la situation, de mieux connaître ces polluants émergents et leurs mécanismes, et de prendre les mesures nécessaires.
Produit sur la base du rapport du député Isaac-Sibylle, missionné par courrier du 5 juillet 2023 par la Première ministre Elisabeth Borne pour réaliser un diagnostic de la situation des PFAS en France, un nouveau plan interministériel pour limiter les risques associés aux PFAS a été rendu public par le gouvernement le 4 avril 2024 ; s’agissant des ICPE, ce plan interministériel comporte notamment une action visant à imposer une campagne de mesure de certaines substances PFAS dans les rejets atmosphériques des installations d’incinération et de co-incinération. Le texte réglementaire est en cours de rédaction.
2 - La surveillance des PFAS dans les rejets industriels
Les rejets des sites industriels sont une source parmi d’autres d’émissions de PFAS dans l’environnement.
Afin de mieux documenter ces rejets et de déterminer les actions à mener par les différentes instances de l’État (DREAL, ARS, agences sanitaires… etc.), le plan ministériel de janvier 2023 prévoit la réalisation de mesures systématiques pour les sites exerçant des activités de nature à engendrer de tels rejets. C’est l’axe 4 du plan national évoqué ci-dessus. L’axe 5 du plan ministériel évoque une transparence du Gouvernement sur le résultat de ces analyses et dans ce cadre les résultats des industriels sont publiés tous les mois sur les sites internet des DREAL.
2.1 - La réglementation des rejets des installations ICPE
- Un arrêté ministériel en date du 24 août 2017 modifiant l’arrêté ministériel du 2 février 1998 modifié impose une valeur limite d’émission de 25 μg/L sur la molécule PFOS à l’ensemble des installations classées soumises à autorisation. Il prévoit une surveillance plus ou moins resserrée en fonction des niveaux d’émission. En outre, depuis le 24 août 2022, pour certaines installations de traitement de déchets relevant du régime de l’autorisation et de la directive relative aux émissions industrielles (dite « IED »), une surveillance semestrielle du PFOS et du PFOA doit être réalisée sur les effluents (arrêté du 17 décembre 2019).
- Depuis le 20 juin 2023, un arrêté ministériel, relatif à l’analyse des PFAS dans les rejets aqueux des ICPE relevant du régime de l’autorisation prévoit que les exploitants listent les PFAS utilisés, produits, traités ou rejetés, et réalisent des campagnes d’analyses de leurs rejets aqueux. Les industriels doivent ainsi réaliser 3 "campagnes de mesures", c’est-à-dire une mesure chaque mois sur 3 mois consécutifs afin de moyenner les rejets.
2.2 - La surveillance en Nouvelle-Aquitaine
L’arrêté ministériel du 20 juin 2023, relatif à l’analyse des PFAS dans les rejets aqueux des ICPE relevant du régime de l’autorisation constitue le cadre de référence national pour la surveillance des rejets. Il s’agit d’une mesure prévue par le plan d’action national PFAS de janvier 2023.
Il concerne des ICPE relevant du régime de l’autorisation :
- correspondant à des secteurs d’activités susceptibles de produire, utiliser ou émettre des PFAS (industrie chimique, industrie papetière, industrie textile, métallurgie, traitement des déchets),
- ou tout autre secteur d’activité ou établissement utilisant, produisant, traitant ou émettant des PFAS.
Celui-ci prévoit notamment avec un échéancier se terminant fin juin 2024, selon les rubriques de la nomenclature ICPE, les exploitants réalisent, avec un laboratoire agréé, des campagnes d’analyse en PFAS dans leurs rejets aqueux (incluant obligatoirement les 20 PFAS entrant dans la norme sur l’eau potable ainsi que toute autre substance PFAS mentionnée dans la liste établie par l’exploitant) et communiquent les résultats à l’inspection. Enfin, une estimation de la quantité de fluor organique est à réaliser au moyen d’une méthode appelée « AOF ». Cette méthode est encore exploratoire, elle donne cependant une indication de la quantité de fluor organique rejetée. Mais, cela ne préjuge ni de la présence, ni de la quantité de PFAS réellement présents, pour cela, des investigations complémentaires doivent être menées par l’industriel.
En Nouvelle-Aquitaine, ce sont environ 400 sites industriels concernés par cette campagne de premier diagnostic, avec une répartition par département comme suit :
- Moins de 10 sites : Creuse
- Entre 10 et 20 sites : Corrèze
- Entre 20 et 30 sites : Charente, Dordogne, Lot-et-Garonne, Deux-Sèvres, Haute-Vienne
- De l’ordre de 30 à 40 sites : Charente-Maritime, Vienne
- De l’ordre de 50 à 60 sites : Pyrénées-Atlantiques
- De l’ordre de 60 à 70 sites : Gironde, Landes.
2.3 - Les Résultats
Ces analyses doivent être menées par des laboratoires accrédités. Les résultats des différentes campagnes d’analyses sont versés sur une plateforme informatique spécialisée. Lorsque l’arrêté a été signé, aucun laboratoire ne disposait de cette accréditation sur le territoire national. Cela a limité temporairement la capacité nationale d’analyse. Pour cette raison, des délais adaptés ont été prévus pour réaliser ces mesures, en étalant la réalisation de ces campagnes sur 9 mois. Cependant, même avec ces délais, certains industriels ont eu des difficultés pour trouver un organisme de prélèvement et un laboratoire en capacité de faire les analyses sous accréditation.
Malgré ces contraintes, la publication de ces premiers résultats est possible grâce aux industriels qui ont su faire preuve d’anticipation pour respecter ces échéances réglementaires.
L’inspection des installations classées analyse régulièrement ces résultats.
Début avril 2024, au niveau national, environ 600 établissements ont terminé leur campagne de trois analyses des PFAS dans les rejets aqueux de leur établissement industriel. A la demande de Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, et sans attendre de disposer de l’intégralité des résultats, les premiers résultats sont publiés.
Au regard des valeurs d’analyses, des échanges sont engagés avec les exploitants pour identifier les causes possibles de ces rejets, et si nécessaire supprimer, voire réduire l’émission de ces substances dans l’environnement. Cela pourra se traduire par le traitement des rejets industriels ou la substitution de l’utilisation des PFAS par des substances moins nocives pour l’environnement et la santé.
Les résultats mis à disposition doivent être interprétés avec prudence. En effet :
- les PFAS mesurés au point de rejet ne sont pas nécessairement issus du site industriel, ils peuvent être présents à l’origine dans l’eau alimentant l’établissement. Du fait de la disponibilité de laboratoires, peu de sites industriels ont pu faire analyser la présence de PFAS dans l’eau qu’ils utilisent. De plus, ces analyses présentent un coût et il n’était pas nécessaire de les réaliser systématiquement ;
- Ces résultats ont été renseignés directement par les exploitants des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) concernées sur le site de télédéclaration du ministère. Ils peuvent comporter des erreurs de saisie ou de déclaration (par exemple sur les unités de mesure ou tout simplement lors de la saisie) pour quelques sites industriels.
3. Pour aller plus loin… La réglementation pour l’utilisation des PFAS
À ce jour, l’état des connaissances est encore très parcellaire, la réglementation, qu’elle soit européenne ou nationale, est ciblée sur quelques substances. Au niveau européen, le règlement Reach, entré en vigueur en 2007 a pour objectif de sécuriser la fabrication et l’utilisation des substances chimiques dans l’industrie européenne. De nouvelles études scientifiques et des évolutions réglementaires sont attendues.
Bien que certains PFAS soient mis au point et utilisés pour divers usages depuis de nombreuses années, aucun texte international ou européen n’impose à ce jour de limite d’émission pour ces substances dans les eaux résiduaires rejetées par les établissements industriels, à l’exception du PFAS dénommé « PFOS ».
Les points suivants rappellent les obligations réglementaires en lien avec la présence de PFAS dans les rejets industriels :
- Depuis le 17 août 2022, pour certaines installations de traitement de déchets relevant du régime de l’autorisation et de la directive relative aux émissions industrielles (dite « IED »), une surveillance semestrielle du PFOS et du PFOA doit être réalisée au niveau des effluents (arrêté du 17 décembre 2019) ;
- Depuis le 1er janvier 2023, la réglementation limite la présence de PFOS à 25 microgramme par litre dans les rejets aqueux des établissements.
3.1 - Réglementation des PFAS au niveau international
La convention de Stockholm de 2001 est un accord international qui réglemente plusieurs composés de la famille des PFAS :
- Depuis 2009, la production et l’utilisation du PFOS sont restreints ;
- Depuis 2020, le PFOA est interdit à l’import, l’export et à la production ;
- En 2022, le PFHxS est ajouté au règlement européen sur les polluants organiques persistants (POP - annexe IV concernant le traitement des déchets). Le règlement d’exécution est publié au journal officiel le 9 décembre 2022 ;
- En 2023, l’Union européenne prend la décision d’interdire la production et l’utilisation du PFHxS. Le règlement d’exécution est publié au journal officiel le 8 août 2023.
Le 1er décembre 2023, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé le PFOA comme « cancérogène pour les humains » (groupe 1) et le PFOS comme substance « peut-être cancérogène pour les humains » (groupe 2B).
3.2 - Réglementation des PFAS au niveau européen
Le règlement européen REACH vise à sécuriser la fabrication et l’utilisation des substances chimiques en recensant, évaluant et contrôlant les substances chimiques fabriquées, importées et mises sur le marché européen. Toutefois, les polymères (donc certains PFAS) sont actuellement exemptés des processus de REACH. La réglementation REACH est actuellement en cours de révision.
Le règlement POP (polluants organiques persistants) issu de la convention de Stockholm a interdit le PFOS (acide perfluorooctanesulfonique) depuis 2009, le PFOA (acide perfluorooctanoïque) depuis juillet 2020 et le PFHxS (acide perfluorohexanesulfonique) depuis juin 2022. Les interdictions ou restrictions imposées par le règlement POP peuvent porter sur les substances en tant que telles, ou lorsqu’elles sont sous forme de constituants d’articles, ou incorporées dans des préparations au-dessus de certains seuils.
L’annexe I de la directive européenne EDCH sur les eaux destinées à la consommation humaine du 16 décembre 2020 fixe des teneurs maximales à respecter pour les eaux potables (0,50 μg/l pour le total des PFAS ; ou 0,10 μg/l pour la somme des 20 PFAS substances préoccupantes).
La directive européenne substances prioritaires pour la politique de l’eau, du 12 août 2013, prévoit une norme de qualité environnementale pour le PFOS et ses dérivés.
Le règlement UE 10/2011 relatif aux matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires fixe des limites d’utilisation (sels d’ammonium du PFOA, PFPoA) ou des limites de migration spécifique (en mg de substance par kg de denrée alimentaire).
3.3 - Réglementation des PFAS en France
Ces directives et règlements européens sont transposés en droit français, avec notamment :
- l’ordonnance n° 2022-1611 du 22 décembre 2022 relative à l’accès et à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, et par ses deux décrets d’application ;
- l’arrêté du 2 février 1998 portant sur les émissions d’une majorité d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) soumises à autorisation, qui cite le PFOS en fixant une valeur limite de concentration de 25 µg/l dans les eaux rejetées au milieu naturel ;
- le programme de surveillance de l’état des eaux de la France récemment révisé par l’arrêté du 26 avril 2022 qui intègre pour les eaux souterraines les 20 PFAS listés par la directive EDCH de décembre 2020, et le PFOS pour les eaux de surface.
Le 14 avril 2023, à la demande du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) a publié un rapport d’analyse des risques de présence de PFAS dans l’environnement et a émis un certain nombre de recommandations pour renforcer leur surveillance et leur encadrement, auxquelles le plan d’action ministériel sur les PFAS, notamment, doit apporter des réponses
Le 4 avril 2024, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture, une proposition de loi sur l’interdiction des PFAS : dans les cosmétiques et les vêtements à partir du 1er janvier 2026, l’interdiction de l’ensemble des textiles contenant des PFAS à partir du 1er janvier 2030, l’obligation de contrôle de la présence des PFAS dans les EDCH, l’application du principe de pollueur-payeur pour les industriels rejetant des PFAS.