Du 12 au 17 juin 2018 : crues sur le bassin de l’Adour - Interview de l’équipe de prévisionnistes

Laurent Diéval, Lionel Ferreira et François Péron, prévisionnistes des crues des bassins Gironde Adour et Dordogne (SPC GAD), ont du faire face à un événement de crues de grande ampleur du 12 au 19 juin 2018.

Rappel du contexte : que s’est-il passé ? Où ? Quand ? Sur quelle période ?

Le bassin de l’Adour a connu plusieurs perturbations pluvieuses de fin mai à début juin 2018. Certaines d’entre elles ont parfois entraîné des débordements faibles à modérés sur les gaves et l’Adour. Le week-end des 9 et 10 juin, de nouvelles réactions ont été observées sur ces tronçons.
Le 12 juin en début de matinée, une perturbation plus importante et plus intense commence à s’abattre sur l’ensemble du bassin. Selon les prévisions, elle doit d’abord balayer le bassin de la Nive et de la Nivelle, puis se poursuivre avec un effet de blocage sur les gaves avant de s’évacuer vers la partie est du bassin de l’Adour (tronçons Adour amont et Arros-Bouès). La fin de l’évènement est prévue pour le lendemain (13 juin) dans la soirée.

Les prévisions font redouter des débordements biens plus dommageables que ceux observés les dernières semaines. Les sols sont déjà gorgés d’eau ; les intensités et les quantités des pluies attendues sont plus fortes ; la perturbation est plus longue (environ 36h).

Les prévisionnistes ont donc placé plusieurs tronçons en vigilance orange : le gave d’Oloron, la Nive et la Nivelle, les gaves réunis et l’Adour maritime (sur ces deux tronçons soumis à influence maritime, les forts coefficients de marée associés aux crues venant des gaves vont provoquer les débordements), le gave de Pau, l’Adour-amont et l’Arros Bouès, et enfin l’Adour moyen.

À quoi correspond le niveau de vigilance orange ?

Règlementairement, la vigilance orange qualifie un risque de crue génératrice de débordements importants susceptibles d’avoir un impact significatif sur la vie collective et la sécurité des biens et des personnes.

Quelles ont été les conséquences de ces précipitations sur le terrain ?

Si les pluies tombées sur la Nive et la Nivelle sont un peu plus faibles qu’attendues, les précipitations sur les parties amont des tronçons sont de l’ordre de 80 à 120 mm (140 mm localement) en 36 heures. Elles ont entraîné des débordements généralisés très dommageables sur tous les autres tronçons placés en vigilance orange.

Les débordements ont été encore plus marqués dans les secteurs de la confluence entre le gave de Pau et le gave d’Oloron (commune de Salies du Béarn), et les gaves réunis (commune de Peyrehorade). Dans ces zones, les hauteurs maximales ont été atteintes dans la journée du 13 juin avant que les décrues ne s’amorcent ou que les marées soient moins débordantes.

Aucune victime n’est à déplorer, ce qui est rare pour un évènement de cette ampleur.

Comment vous êtes-vous organisés pendant cette période ?

Pour un évènement de vigilance orange généralisée, le SPC s’organise pour qu’une permanence soit assurée 24h/24. Les prévisionnistes doivent suivre l’évènement en temps réel, ajuster la vigilance et les prévisions en dehors de heures de production habituelles des bulletins, répondre aux sollicitations des acteurs de la vigilance : préfectures, directions départementales des territoires (et de la mer) DDT(M), services techniques de certaines collectivités…

Par ailleurs la cheffe de département et le chef de service ont été mobilisés en tant que cadre d’astreinte. Leur mission était de gérer les contacts avec l’extérieur : informations et réponses aux sollicitations des préfectures, des DDT(M), etc..

En temps normal, l’équipe est constituée de trois prévisionnistes d’astreinte. Dans le cadre de cet évènement, une veille a été déclenchée le 12 juin à 16h et levée le 13 juin à 23h. Cinq prévisionnistes complémentaires ont permis d’assurer la bonne continuité de la gestion de crise. Deux d’entre eux ont passé la nuit du 12 au 13 juin au SPC.

Par la suite, les pluies ont cessé. La vigilance produite par le SPC a consisté à estimer les délais de propagation des crues et des hauteurs maximales attendues sur les parties aval. Ainsi à Dax, station réglementaire la plus en aval de l’Adour, le niveau maximum a été atteint le 17 juin à 5h du matin.

La fin de la vigilance orange sur le bassin sera actée le 19 juin à 16h, soit une semaine après le début de l’évènement.

Quels sont les services de la DREAL qui sont intervenus pour gérer la crise ?

Seul le service des risques naturels et hydrauliques (SRNH) a été mobilisé durant cette crise : les prévisionnistes (SPC, Ouvrages hydrauliques, Référent régional inondation) ainsi que les hydromètres pour effectuer des jaugeages.

Quels sont les acteurs extérieurs avec qui vous avez travaillé ?

Ils sont nombreux. La liste n’est pas exhaustive. Parmi nos interlocuteurs privilégiés durant cette crise, on recense :

  • les DDT(M) et préfectures des départements concernés par la vigilance : Landes, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées et Gers,
  • le service central d’hydrométéorologie et d’appui à la prévision des inondations (SCHAPI), notre administration centrale,
  • certaines collectivités locales : mairie de Bayonne, de Dax, etc.,
  • l’IGN, pour la réalisation de prises de vues aériennes de manière à identifier les zones inondées (informations précieuses pour le retour d’expérience).

Ce genre d’évènement est-il fréquent ? Pouvez-vous en citer d’autres ?

Le SPC GAD est opérationnel depuis le 1er juillet 2013. Après 5 années d’expérience, il est encore prématuré de qualifier précisément l’importance des crues. De nombreuses données restent à expertiser (débits de pointe atteints notamment).

Néanmoins, en juin 2013, le bassin de l’Adour avait connu un épisode de crues plus dommageable, avec notamment une vigilance rouge du gave de Pau. Toutefois, le scénario était différent puisque s’y ajoutait un phénomène de fonte des neiges.

En janvier 2014, un évènement de crues généralisées comparable à celui de cette année avait également été observé (niveaux atteints, territoire concerné).

L’année 2017 a été exceptionnellement clémente (une seule vigilance orange avérée). Dans les 6 premiers mois de 2018, huit autres évènements ont conduit à de la vigilance orange sur l’ensemble des trois bassins : Gironde, Adour et Dordogne. Aucun n’a toutefois atteint les niveaux mesurés en juin.

La DREAL Nouvelle-Aquitaine compte 44 prévisionnistes des crues. Découvrez ce métier en images.

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