Analyse du potentiel d’accueil de la Loutre d’Europe

Audrey Savouré-Soubelet, Isabelle Witté, Laura Flamme, Guillaume Grech et Patrick Haffner (Service du Patrimoine Naturel, Muséum national d’Histoire naturelle)

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Contexte de l’étude

Répandue sur l’ensemble du territoire métropolitain jusqu’au début du XXe siècle, la Loutre d’Europe (Lutra lutra, Linnaeus 1758) a subi un fort déclin à partir des années 1930. Celui-ci s’est poursuivi jusqu’à la fin du XXe siècle. L’espèce n’était alors plus présente que sur le littoral atlantique, le Massif Central et plus sporadiquement dans les Pyrénées. La loutre amorce maintenant un mouvement de recolonisation vers le nord et l’est.
Un Plan National d’Action a été mis en place afin d’accompagner le retour de cette espèce.

L’une des actions de ce plan (action 6 : déterminer le potentiel d’accueil de la Loutre d’Europe par secteur géographique) a pour objectif d’obtenir une représentation cartographique différenciant les zones potentiellement favorables à la Loutre de celles qui le sont moins. Le Service du Patrimoine Naturel (Muséum national d’Histoire naturelle) a été retenu comme opérateur de cette action.

Pour répondre à cet objectif et développer une cartographie des zones potentiellement favorables à la Loutre, nous avons créé un modèle d’habitats basé sur la connaissance de la distribution nationale connue de la Loutre en relation avec des facteurs environnementaux considérés comme déterminants pour l’espèce. Cette étude a fait l’objet d’un article paru dans la Revue d’Ecologie (Terre et vie) en 2015 (Savouré-Soubelet et al., 2015).

Méthode

Le logiciel utilisé, Maxent, permet de créer un modèle de la distribution spatiale d’une espèce en se basant sur les conditions environnementales des sites dans lesquels sa présence est avérée. Il ne nécessite pas de données d’absence. Dans le cadre de ce travail, la probabilité que la Loutre trouve un habitat favorable à son implantation dans chaque unité spatiale analysée est appelé « potentiel d’accueil ».

Le territoire concerné est la métropole (hors Corse). L’échelle d’analyse est le sous-secteur hydrographique (1110 sous-secteurs). Les données de présence ont été récoltées dans le cadre de l’évaluation 2013 de l’état de conservation des habitats et des espèces de la Directive Habitat Faune Flore (article 17).

Sur les 29 paramètres préconisés par la littérature ou la consultation d’experts, seuls 16 se sont révélés disponibles et utilisables. Ils peuvent être classés en 4 grandes catégories (disponibilité et qualité des habitats aquatiques et des zones humides, disponibilité des ressources alimentaires, dérangements humains et caractéristiques du paysage).

Résultats

Plusieurs associations entre les variables ont été testées dans des modèles différents. Le meilleur modèle retient 7 variables (densité des cours de eau, biomasse d’écrevisse, qualité des cours d’eau, linéaire de route départementale, proportion d’agriculture intensive, proportion d’agriculture extensive, proportion du relief inférieur à 200 m). Celles-ci sont disponibles pour 1012 des 1110 sous-secteurs hydrographiques de France métropolitaine. La proportion du paysage occupé par l’agriculture extensive est la variable la plus fortement utilisée par le modèle.

Discussion

La carte issue du meilleur modèle met clairement en évidence 4 zones non encore recolonisées par la Loutre et au potentiel d’accueil favorable (fig. 1). La répartition de celles-ci est cohérente avec celle des derniers bastions de l’espèce dans le nord et l’est de la France.

(Cliquer sur le carte pour l’agrandir)

Nous avons comparé notre modèle à ceux créés dans le cadre d’études concernant l’Alsace, la Bourgogne et la Vallée de la Loire. On note une très bonne concordance entre ceux-ci et le nôtre.

Conclusion

La modélisation du potentiel d’accueil de la Loutre d’Europe en France métropolitaine permet de mettre en évidence 4 zones dont les habitats sont favorables à la Loutre d’Europe mais où l’espèce n’est pas encore présente. Celle-ci poursuivant toujours sa recolonisation, une attention particulière doit être apportée à ces zones afin d’y favoriser le retour et le maintien de l’espèce.

La bonne qualité des habitats propices à la Loutre devrait y être assurée. Il convient par ailleurs de préserver ou de rétablir des connexions opérationnelles pour la Loutre d’Europe entre ces différentes zones.

Références
SAVOURÉ-SOUBELET A., WITTÉ I., FLAMME L.GRECH G. & HAFFNER P. 2015. Détermination du potentiel d’accueil de la Loutre d’Europe (Lutra lutra) par secteur géographique en France métropolitaine. Revue d’Ecologie (Terre et Vie) 70 (4) : 293-313

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